Je fais suite à mon article d’avril 2017 où j’expliquais les raisons d’une ré-internalisation probable de certaines analyses au chai. Je voudrais à présent détailler les outils qui peuvent vous permettre de faire des analyses fiables plus facilement.

Comme nous l’avons évoqué, la démocratisation de la microrobotique et des micro-ordinateurs permet le développement d’outils plus facile à utiliser pour les non-initiés. C’est une évolution lente car le développement d’instrument d’analyses dédiés à l’œnologie se fait en marge du développement d’appareils développés pour d’autres industries.

Appareil d’analyse œnologique précis et performant

Prenons l’exemple de l’analyse des sulfites dans le vin. La méthode de référence qui nécessite peu d’investissement est trop gourmande en temps pour être utilisée en routine dans les chais. Cette méthode n’est utilisée à présent que pour caller (régler) les appareils automatiques des labos COFRAC. D’autres méthodes existent et notamment celles basées sur la méthode Riper. Cette méthode, utilisée depuis les années 60 dans des titrateurs semi-automatiques, est bien connue des œnologues. Ces titrateurs sont aujourd’hui concurrencés avec des systèmes totalement automatisés dont la base technique a été développés à grande échelle pour d’autres industrie (traitement de l’eau, Industries Agro-Alimentaires). Parce que développés à grande échelle ces nouveaux titrateurs bénéficient des dernières technologies à un prix abordable. Permettant d’ajuster la titration des réactifs de façon simple, ces titrateurs permettent une précision et une répétabilité inégalée au chai pour mesurer le SO2, mais aussi le pH et l’AT.

Pour conclure sur les sulfites, des outils basés sur de l’éléctrochimie sont en cours de développement. Ils sont destinés aux personnes allergiques et seront très certainement déclinés pour l’œnologie.

Le SO2 n’est pas le seul critère qui intéresse les maîtres de chais et les agronomes. D’autres paramètres et notamment des molécules organiques (sucres, acides etc…) sont suivies au quotidien. Là encore les méthodes ancestrales et longues à mettre en œuvre ont été abandonnées par les chais et confiées aux laboratoires d’analyses œnologiques. En routine les laboratoires utilisent des analyseurs séquentiels ou des spectromètres capables de doser l’essentiel des paramètres œnologiques.

Les analyseurs séquentiels sont des appareils développés pour l’analyse médicale qui valent parfois plusieurs centaines de milliers d’€ et dont l’utilisation reste une affaire de spécialistes. Ce sont de machines pourvues des microrobots automatiques capables de prélever des quantités prédéfinies d’échantillons, de solvants, de réactifs, d’enzymes. Qui mixent, dosent, attendent, mesurent, calculent, nettoient selon un protocole (séquence) propre à chaque analyse. Ce sont des appareils d’analyses incroyables et d’une précision redoutable !

Contrôle de qualité des vins

Bonne nouvelle, ce type de machine n’est pas spécifique de l’œnologie et l’appétit grandissant de nos sociétés pour le contrôle de qualité pousse les industriels de l’analyse à développer des machines de plus en plus performantes et de moins en moins chères. Aujourd’hui, nous sommes en mesure de vous proposer des petits analyseurs séquentiels pour moins de 9000 € et nous ne sommes qu’au début de cette révolution.

Une autre piste qui reste prometteuse quoi qu’encore chère est la spectrométrie dans l’infrarouge et l’UV. Le principe est d’exciter le milieu à analyser avec différentes longueurs d’onde et d’analyser les spectres résultants de ces actions. Une série de calculs basés sur les spectres résultants permet d’identifier les différents composés et leur concentration on parle d’IRTF (Infrarouge en Transformée de Fourrier). L’intérêt de ces méthodes est leur capacité de détection simultanée gage d’une grande rapidité. A titre d’exemple plus de 40 paramètre peuvent être détectés simultanément sur ce type d’appareil en quelques secondes…

La difficulté est d’avoir des bases de données suffisamment importantes pour bien calibrer les équations permettant d’interpréter les spectres. C’est ce qui explique leur coût. Comme pour l’analyse séquentielle, les progrès de l’optique et l’électronique poussés par d’autres industries laissent penser que nous disposerons prochainement d’appareils plus accessibles et plus faciles d’emploi.

Conclusion : le monde de l’analyse évolue très rapidement et ce qui hier était impossible à réaliser au chai devient accessible. En parallèle, et pour les raisons que nous évoquions dans notre dernier article, il est inéluctable que le contrôle de la qualité sera progressivement réinternalisé.

La conjonction de ces 2 tendances nous amène à croire qu’il y aura de plus en plus d’analyse au chai. Il faut donc absolument que nos œnologues et ceux qui les forment prennent conscience que leur rôle va évoluer et leur périmètre de responsabilité aussi.

Afin de ne pas rater ce tournant il est indispensable d’inciter les jeunes œnologues et les responsables de la qualité à réinternaliser une partie de leurs analyses au chai, à réapprendre à interpréter leurs résultats et à réagir en fonction.